الثلاثاء، 10 سبتمبر 2013

TÉMOIGNAGE : L'imam danois qui a rompu avec l’islamisme

Ahmed Akkari à Aarhus en juillet 2013



Après avoir été proche des milieux islamistes, Ahmed Akkari, un jeune libano-danois qualifié d'imam par les médias locaux, prend du recul et critique l'influence des religieux qui, selon lui, empoisonnent l'esprit des jeunes. Témoignage.
       Un épisode de ma scolarité reste à jamais gravé dans ma mémoire : mon professeur d'histoire au lycée avait posé par terre, sous une table, une boîte d'allumettes à l'effigie de Tordenskjold [héros naval dano-norvégien représenté sur la quasi-totalité des boîtes d'allumettes danoises]. Puis, il nous avait demandé d'observer la boîte depuis nos places respectives. Chacun de nous avait ainsi vu la boîte sous un angle différent et sous une perspective particulière. Cela nous avait amusés cinq minutes. Notre professeur avait ensuite commencé à parler de la personne et du héros Tordenskjold, en nous racontant de quelles manières son histoire avait été utilisée à travers les âges.
        J'ai grandi à Thy et à Aalborg [au nord du Danemark]. Jusqu'à l'âge de 16 ans, j'ai été à l'abri des influences qui devaient ultérieurement changer mon destin. A 16 ans, ma vie a en effet pris un autre cours - pour le mieux, ai-je d'abord pensé. J'ai été enrôlé dans une mission islamiste par notre voisin d'une part, qui ne ressemblait absolument pas à un islamiste actif, et par d'habiles recruteurs d'autre part, membres de la mosquée locale de Danmarksgade à Aalborg.
      C'est l'idée de la vie idéale, de la délivrance du mal et du contact avec la puissance absolue (Dieu) qui m'a fait accepter, lentement mais sûrement, les influences du milieu islamiste de la communauté. Ce fut le début d'un long périple ponctué de lectures et de rencontres avec de grandes figures du milieu. Mais le discours était une chose, l'action une autre. La transparence, l'inclusion et l'ouverture faisaient défaut, et le mode d'enseignement, d'instruction et d'encadrement était radicalement différent de celui que j'avais connu à l'école danoise.
Les islamistes supposent que chaque mot du Coran est loi
      Alors qu'à l'école et au lycée, on apprend à reconnaître et à écouter les arguments, on assistait ici à une transmission de règles et de prescriptions sans aucun esprit critique. Les vérités assénées par les personnes pieuses étaient en réalité l'expression de luttes de pouvoir et de positionnements dans la sphère sociale. Les groupes et assemblées islamistes étaient presque les mêmes partout. J'ai été frappé de constater à quel point ils étaient souvent régis par des intérêts personnels et savaient servir ces derniers à force de manipulations. J'ai vécu l'intolérance à l'égard de ceux qui pensaient autrement, même des coreligionnaires qui ne partageaient pas les mêmes convictions.
     Les islamistes supposent que chaque mot du Coran est loi et que chaque source donnée par Mahomet est la base d'une loi. Cette idée s'est enracinée chez la plupart des musulmans ordinaires, qui ne peuvent donc pas imaginer d'interpréter autrement les textes sans avoir le sentiment d'offenser Dieu et de commettre un sacrilège. On peut croire pendant longtemps qu'on voit la vérité, alors qu'en réalité on ne voit que des idées. C'est un peu comme regarder une boîte d'allumettes depuis une chaise placée dans une grande salle.
     J'ai pris conscience de ce phénomène lors de l'été 2011 au Liban, alors que je rendais visite à un ami et directeur d'école libanais. Je trouvai chez lui plusieurs livres intéressants qui, je m'en souvenais, avaient fait grand bruit au Moyen-Orient. L'un d'eux était Critique du discours religieux, écrit par un intellectuel du nom de Nasr Hamed Abou Zeid. Ses arguments lui valurent en son temps d'être condamné comme dissident et apostat.
      Tout au long de ma lecture, en confrontant les arguments de l'ouvrage avec le jugement prononcé à l'encontre de Zeid, j'ai constaté un écart considérable entre les propos du livre et la manière dont il avait été attaqué. Cette découverte décisive m'a convaincu que chez les islamistes, l'éducation était fondamentalement mauvaise. Les livres écrits par Zeid constituaient une tentative d'intellectuel pour interpréter une partie des textes essentiels de l'islam à partir d'un fondement moins connu, basé sur des points de vue à la fois philosophiques et spirituels. Cela, l'islam sunnite monopoliste ne pouvait le tolérer !
L'islam doit s'affranchir du pouvoir des islamistes
      La préface de l'ouvrage de Zeid que j'ai lu chez mon ami au Liban présente à la fois la critique du livre et le jugement auquel il a donné lieu. Il s'est avéré que le tribunal, dirigé par un éminent érudit, n'avait même pas lu au-delà de la page 36 des 200 que comptait le livre. Au bout de 36 pages, il avait refermé le livre pour prononcer son jugement introduit par ces mots : "Il nous a été impossible d'en lire davantage". Ceci mit un terme à mon trouble de longue date. Quelque soit le contenu du livre, il était vraiment démesuré de condamner son auteur à l'apostasie. Abou Zeid a été contraint de divorcer et a été déchu de ses droits fondamentaux.
      Le véritable problème n'est pas l'islam, mais l'islamisme. Sous toutes ses formes et variantes - sectes, tendances, grands courants ou petites sphères fermées - l'islamisme constitue une réalité conflictuelle dans le contexte de la culture danoise qui se distingue par une éducation libre et critique. Les idées du programme islamiste sont incompatibles avec l'organisation exigée par la société mondialisée, comme nous en sommes témoins en Egypte, en Iran, au Pakistan et comme nous l'avons vu au Soudan et dans les Etats du Golfe. En effet, les courants islamistes manquent de flexibilité et sont trop contrastés. L'islam doit donc s'affranchir du pouvoir des islamistes et s'ouvrir au monde comme une croyance où l'individu peut se reconnaître sans être dans l'action politique.
       L'islamisme a fait son apparition en Occident avec le flux de réfugiés venus des pays du tiers monde. Au Danemark, il contribue à infecter l'esprit des jeunes, comme ce fut mon cas. Profondément influencés par la culture du pays d'origine, l'endoctrinement et l'éducation islamistes actuels sont si peu nuancés que des solutions alternatives sont indispensables pour éviter que des individus aussi jeunes en viennent à avoir une conception du monde totalement étrangère à la réalité.
Assécher le terreau des groupes extrémistes
      L'école danoise a donc une mission considérable, qu'elle doit remplir de manière habile et ciblée. L'importance cruciale de la flexibilité, de la tolérance et de l'éducation critique doit à cet égard être soulignée. Il convient également de réglementer la gestion des congrégations et des associations islamiques. Les communes doivent être en droit d'exiger que leurs activités assurent un rapprochement avec les autres contextes éducatifs de la société.
      D'autre part, il faut inspecter de plus près les écoles privées de confession musulmane et réglementer l'enseignement, les acquis et les méthodes, encadrer la culture de cohabitation en milieu scolaire et, surtout, soutenir les disciplines humanistes et créatives telles que l'enseignement de la musique et l'instruction religieuse.
     L'influence des islamistes les plus radicaux dans l'enseignement engendre des conflits chez différents groupes et individus qui, après une scolarité apparemment normale, entrent soudain en guerre contre la société, comme ce fut mon cas. J'espère que mon récit permettra d'assécher le terreau des groupes extrémistes et de rapprocher davantage la population musulmane de la société danoise.


L'auteur :
Ahmed Akkari est né en 1978 au Liban. Avec sa famille, il s'est exilé au Danemark en 1985 quand sa ville natale, Tripoli, a été bombardée. Professeur des écoles, Akkari a obtenu la nationalité danoise en 2005. Il nie avoir été un "imam", comme l'ont surnommé les médias, bien qu'il ait été un activiste politique et un prédicateur religieux. Akkari est surtout connu pour avoir participé à la délégation des imams qui s'est rendu au Moyen-Orient lors de la crise des caricatures danoises en 2005. La délégation cherchait à obtenir du soutien pour condamner les caricatures et à mettre la pression sur le gouvernement danois qui refusait de rencontrer des ambassadeurs des pays musulmans. Akkari a été dénoncé à la police environ 300 fois pour "activités subversives" et activités contraires aux intérêts nationaux. Au mois de juillet 2013, Akkari s’est excusé publiquement sur son action pendant la crise des caricatures.

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