Mme Houda-Pépin, une musulmane
d'origine marocaine, avait été à l'origine de la motion unanime de l'Assemblée
nationale refusant l'instauration de tribunaux de la charia au Québec en 2005.
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Un «détournement de démocratie» par
l’islamisme et l’instauration de la charia : voilà à quoi risquent
d’aboutir les transitions en Tunisie, mais surtout en Libye, croit Fatima
Houda-Pepin. Et ces changements, qui ne sont pas étrangers à la maladresse de
nos interventions d’Occidentaux, pourraient un jour nous affecter,
s’inquiète-t-elle.
La
députée de La Pinière et première vice-présidente de l’Assemblée nationale a
exprimé cette inquiétude au salon bleu la semaine dernière dans une déclaration
de députée. Bravo pour les révoltes du Printemps arabe, a-t-elle d’abord
indiqué. Bonne nouvelle aussi que ces élections en Tunisie et la chute d’un
tyran, Kadhafi. Mais dans l’ancien pays de Ben Ali, les islamistes d’Ennahdha
se sont imposés dans les urnes. Et en Libye, le Conseil national de transition
a déjà annoncé l’instauration d’un régime islamiste sous l’autorité de la
charia, loi islamique.
Cette
volonté, exprimée de surcroît par Moustapha Abdel Jalil — lui-même ancien
ministre de la Justice sous Kadhafi —, a bouleversé Mme Houda-Pepin.
« Est-ce cela la démocratie ? Est-ce cela la cause pour laquelle nous
avons envoyé nos armées se battre en Libye au sein de l’OTAN ?»,
s’est-elle exclamée en Chambre. Sans compter, ajoute-t-elle en interview,
qu’Abdel Jalil «n’est pas un élu, n’a pas de mandat de la population en tant
que tel».
Les islamistes sont rusés, remarque-t-elle : «Ils savent
que les démocrates du monde sont inquiets. Alors, ils nous font croire que
leurs régimes islamistes seraient "modérés".» Islam
«modéré» ? Une imposture, à ses yeux. «Le fondement même de la charia est
d’être antidémocratique», déclarait-elle encore à l’Assemblée
nationale. Pourquoi ? Ses lois et règlements sont «imposés au nom d’une
certaine idée de Dieu, une idée qui ne peut être changée par la volonté
humaine». Ainsi, «à quoi bon élire des députés si les parlementaires ne peuvent
ni introduire ni modifier des lois découlant d’une charia immuable écrite au
XIVe siècle ? Quelle tristesse pour ce magnifique printemps arabe qui
n’aura duré qu’une saison !».
En entrevue, elle poursuit. Dans ces contextes,
que signifie la charia ? «C’est l’implantation de la polygamie, c’est le
divorce par simple répudiation, c’est l’amputation de la main pour celui
reconnu coupable de vol, c’est des châtiments corporels, c’est la lapidation.
Est-ce que c’est vers ça qu’on s’en va ? Vers
l’obscurantisme ? »
2005 et 2006 : une motion contre
l’instauration de tribunaux islamiques au Canada et au Québec
Mme Houda-Pepin
n’en est pas à sa première dénonciation de l’islamisme radical. On se souvient
qu’en 2005, elle proposait une motion à l’Assemblée nationale — qui sera
finalement adoptée à l’unanimité — contre le projet d’instauration de tribunaux
islamiques au Canada et au Québec. «Le jour où je révélerai dans quelles
conditions j’ai fait adopter la motion du 26 mai 2005, il y a bien des barbes
qui vont tomber», lâche-t-elle, énigmatique, refusant d’épiloguer. En 2006, peu
après l’arrestation de 17 présumés terroristes islamistes torontois, elle
dénonçait dans nos pages le «cancer» de l’extrémisme en train de «se répandre
dans la communauté».
Depuis,
l’emprise de cette mouvance «n’a pas vraiment reculé», soutient-elle. «Elle est
de plus en plus sophistiquée, de plus en plus présente dans différents
milieux.» Ici aussi, la députée se ferme lorsqu’on lui demande d’expliciter, de
donner des exemples. «Je vais m’abstenir.» Elle se rabat sur un fait
public : l’invitation faite par une association étudiante de l’Université
Concordia aux militants islamistes britanniques Abdur Raheem Green et d’Hamza
Tzortzis aux propos choquants sur le droit des femmes et des homosexuels. Depuis
l’émergence des Frères musulmans en Égypte dans les années 1930, «cette
mouvance est en marche». «Ces gens-là, ils ont tissé leur toile à l’échelle
mondiale. Et donc, ils portent leur message partout, y compris dans les
démocraties modernes. D’où cette visite. Ce n’est pas la première. L’endoctrinement,
ça fait partie de leur stratégie de pénétration auprès des jeunes, auprès des
personnes vulnérables ici et ailleurs.» Elle s’inquiète aussi de phénomènes
récents, comme la revendication de «zones de charia», au Danemark par exemple .
Tunisie et Libye
Pour
la politologue et députée, « nous tardons à prendre la mesure de la menace
qui pèse sur nos droits et libertés par certains groupes radicaux ». Et la
naissance possible, à l’étranger, de pays islamiques n’est pas de bon augure à
ses yeux. Certes, la Tunisie, ce n’est pas la Libye. «La Tunisie s’est soulevée
par elle-même, sans intervention extérieure. Un soulèvement porté par les
jeunes.» De plus, souligne-t-elle, il y avait une société civile en Tunisie, et
les jeunes y sont généralement bien éduqués. « Il y a eu des progrès
majeurs en ce qui a trait aux droits des femmes. On avait aboli la polygamie,
les femmes ont le droit au divorce, ne sont pas obligées de porter le voile,
etc. »
Le résultat des dernières élections reste
préoccupant, à ses yeux : «Pour moi, ce n’est jamais une bonne nouvelle
lorsqu’en politique, on mêle la religion, on s’approprie la religion, on essaie
d’imposer à la société tout entière, un code, des valeurs, des lois, des
règlements qui émanent d’une certaine interprétation de la religion.»
Quant
à la Libye, Fatima Houda-Pepin s’étonne que les pays occidentaux ne dénoncent
pas plus fortement l’annonce concernant la charia, «une véritable gifle à
l’OTAN». Puis elle élargit l’analyse : partout où les Occidentaux sont
intervenus depuis quelques années — Afghanistan, Irak, Libye —, leur leitmotiv
était «la démocratie». «Or, sitôt Kadhafi mort, la Libye s’empresse de
proclamer l’autorité suprême de la charia. Et en Afghanistan, on fait
quoi ? On va négocier avec les talibans ! C’est choquant.»
À ses yeux, il aurait fallu intervenir
différemment. «Si, depuis qu’on est intervenu pour la première fois en Irak en
1990, on avait investi sur le long terme avec une sorte de plan Marshall,
aujourd’hui, on en récolterait les résultats», croit-elle.
Notes biographiques pour Madame Fatima
Houda-Pepin
26 décembre
1951 : Naissance à Meknès au Maroc. Janvier 1975 : Arrivée au Québec.
12 septembre 1994 : Première élection dans La Pinière. 26 mai 2005 :
Elle fait adopter une motion à l’unanimité à l’Assemblée nationale s’opposant à
l’implantation des tribunaux islamiques au Québec et au Canada. 26 mars
2007 : Réélection pour un 4e mandat. Le 8 mai 2007, Fatima Houda-Pepin
devient première vice-présidente de l’Assemblée nationale, poste qu’elle occupe
depuis. Elle est réélue pour un 5e mandat le 8 décembre 2008.
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