- Jamal Berraou
« Ce n’est pas parce que le vice est
partagé qu’il devient une vertu », Fatima Chenna, veuve Oufkir nous a quittés.
Son mari a longtemps représenté l’oppression, avant de tenter un coup d’Etat
qui a heureusement échoué et d’en payer le prix. Sa famille a été emprisonnée
dans des conditions inhumaines, en dehors des règles élémentaires du droit.
Pendant vingt ans, les Oufkir ont été enterrés vivants. A l’extérieur, des
proches en ont profité pour les spolier.
Fatima Oufkir avait son caractère.
Du vivant de son mari, on dit même qu’elle exerçait un certain pouvoir. Cela ne
justifie rien, surtout pas le sort réservé à ses enfants, en particulier
Soukaina et Rafik qui étaient en bas âge et qui ont été privés de l’enfance, de
ses jeux.
Les responsabilités du régime sont
établies et reconnues, mais l’opposition de l’époque est-elle clean pour autant
? Par haine pour ce que représentait le général Oufkir, jamais cette injustice
n’a fait l’objet de la moindre déclaration ou position politique. Les
organisations des droits de l’homme évoquaient tous les cas, nombreux, de
violations sauf les Oufkir et Tazmamart.
C’est avec amertume qu’il faut le
reconnaître. Les démocrates n’ont pas été fidèles à ce qu’ils prétendent
aujourd’hui être leurs valeurs, depuis toujours. Cette leçon, il faut la tirer
et clairement. Si nous avons autant de difficultés à construire une véritable
démocratie, c’est parce que nous avons été très éloignés des convictions qui
devraient être celles de démocrates.
Les choses ont-elles changé
aujourd’hui ? Réagissons-nous en démocrates en toute circonstance ? Il est
permis d’en douter. Les uns instrumentalisent les droits de l’homme de manière
éhontée, les autres ferment trop souvent les yeux, au nom des « intérêts
supérieurs de la Nation ».
En Egypte, les jeunes collectionnent
les années de prison. Pourtant, il y a quelques mois, ils avaient applaudi les
militaires et la répression qui s’est abattue sur les frères musulmans. Le
mouvement du 6 avril se rend enfin compte qu’il s’agit d’une contre révolution,
c’est un peu tard.
Si je cite cet exemple, c’est pour
dire que la démocratie est une et indivisible. Si l’on accepte que les droits
des autres, des adversaires politiques soient bafoués, on met les siens en
danger. Danton, alors qu’on l’amenait à la guillotine a crié à Robespierre « tu
m’y suivras » et c’est ce qui s’est passé. Ces leçons doivent, impérativement,
nous amener à plus de vigilance quant aux droits humains. Nous ne sommes plus
en face de violations systématiques, ni même graves. C’est un acquis, et le
meilleur moyen de le défendre, c’est de dénoncer, vigoureusement, la moindre
atteinte aux droits d’un citoyen, même si ses convictions sont aux antipodes
des nôtres. Aux anciens, cela impose un effort, parce que ce n’est pas notre
culture. L’avouer, c’est le premier pas sur le chemin de la rédemption.
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