Malgré
son interdiction par le nouveau Code de la famille, le mariage des mineures
reste un phénomène social en nette augmentation au Maroc./DR
Le mariage des mineurs continue de représenter une des
questions juridiques et politiques les plus délicates au Maroc. Même si le
nouveau Code de la famille ne l'autorise que sous certaines conditions, ce
phénomène ne cesse d'interpeller. La semaine dernière, le Parti de la Justice
et du Développement (PJD) a appelé à la Chambre des représentants, à un
amendement des articles 20 et 21 de la Mouadawana, relatifs à la question.
L’entrée en
vigueur du nouveau Code de la famille, en 2004, n’a pas impulsé la révolution
sociale escomptée. Ainsi, malgré le fait que l'âge minimum pour le mariage soit
fixé à 18 ans et que les exceptions soient soumises à l'autorisation du juge de
la famille, le phénomène du mariage des mineurs est toujours une réalité au
Maroc. Il continue de prendre de l’ampleur, et d'engendrer des dégâts sociaux
irrémédiables.
Ainsi, entre
abrogation et amendement des articles 20 et 21 du Code de la famille relatifs au
mariage des mineurs, la polémique est toujours d’actualité.
La semaine
dernière, les députés du Parti de la Justice et du Développement (PJD) ont
proposé, à la Chambre des représentants, un nouveau projet de loi pour
l’amendement des deux articles en question. Et ce, afin de “limiter les cas de
figures où le juge de la famille peut livrer son autorisation de mariage d’un
mineur”.
Ainsi, les
PJDistes proposent que l’âge de 16 ans et plus devienne impératif
pour qu'un tribunal accepte d’étudier le cas, et que les demandes
concernant les mineurs ayant moins de 16 ans soient écartées d’office.
Il s’agira
également de donner un droit de veto au concerné, à savoir le mineur
lui-même, qui doit annoncer son acceptation de manière claire et nette
après la décision du juge et devant ce dernier, tout comme
son refus peut annuler l’autorisation du tribunal.
“Les
dispositions de cet article ne seront applicables que si le mineur est âgé de
plus de 16 ans et qu’il a livré son acceptation franche, libre sans aucune
influence parentale.”
Proposition
du PJD pour l'amendement de l’article 20 du Code de la famille.
Contactée
par nos soins, Khadija Rouissi, du Parti Authenticité et Modernité (PAM), nous
a affirmé que son parti n’avait pas encore reçu ce nouveau projet de loi, et
que, par conséquent, elle ne pouvait intervenir à son propos. Elle a cependant
souligné que le PAM et l’USFP (Union Socialiste des Forces Populaires)
militaient ensemble, depuis le suicide d’Amina Filali, pour l’annulation des
deux articles. Amina Filali s'était suicidée en début 2011, après une décision
de justice sur accord de ses parents de la marier à son violeur.
Et Rouissi
d’ajouter que son parti est catégoriquement contre le mariage avant l’âge de 18
ans, comme le stipule le Code de la famille, considérant que cet acte est une
exploitation des droits de l’enfant, dont la vraie place est l’école.
Les
associations catégoriques
Le
gouvernement a beau amender et modifier les textes de loi relatifs au mariage
des mineurs, la société civile demeure unanime et rejette catégoriquement cette
pratique.
“À l’échelle
universelle, un enfant est toute personne âgée entre 0 et 18 ans. Tout mariage
avant cet âge est considéré comme une violation de l’enfance.”
Khadija
Abnaou, de l’Association Marocaine des Droits Humains, jointe par nos soins.
Cette
militante des droits humains appelle à une interdiction absolue de cette
pratique. Insistant sur le fait qu’un enfant doit jouir de ses droits
fondamentaux, aller à l’école et jouer, tout comme ses semblables.
Abnaou a
également mis l’accent sur l'aspect biologique de la question. “La maturité
incomplète de l’enfant et son manque d’expérience, avant l’âge de 18 ans, sont
deux facteurs cruciaux que l'on doit prendre en considération pour interdire le
mariage des mineurs”, explique-t-elle.
Même son de
cloche chez une militante de la Fondation YTTO, qui prône pour une abolition du
mariage des mineurs. “Peu importe l'âge, tant que c'est pour un moins de 18
ans, le mariage ne doit pas être scellé”, précise-t-elle.
Quelle
valeur a la proposition du PJD ?
En réaction
au nouveau projet de loi proposé par le PJD, cette militante s’est montrée
sceptique. “Comment un mineur peut-il décider de son avenir et accepter, ou
pas, de se marier?”, s’est-elle exclamée. Avant d’ajouter qu’un enfant, avant
l’âge de 18 ans, n’a ni la qualification, ni l’expérience requises pour donner
son accord sur un sujet aussi sérieux.
Dans son
intervention, la militante est allée plus loin que l'abolition des textes de
loi. Elle a appelé à ce que des sanctions soient mises en place à l’encontre de
tout parent acceptant de marier son enfant, au lieu de le laisser jouir de son
enfance.
Les filles
mineures, principales victimes
Le mariage
des mineur(e)s a connu une nette augmentation durant ces dernières
années. Ainsi, le nombre des cas de mariage des filles mineures est passé
de 29.847 en 2008 à 33.253 cas en 2009 pour atteindre 41.098 cas en 2010,
selon des chiffres révélés par le ministère de la Justice.
Si la “Moudawana” autorise le mariage des mineurs dans des cas exceptionnels, ces dernières années, plus de 90% des demandes de mariages précoces ont été acceptés et 8% seulement rejetées.
Si la “Moudawana” autorise le mariage des mineurs dans des cas exceptionnels, ces dernières années, plus de 90% des demandes de mariages précoces ont été acceptés et 8% seulement rejetées.
Pour le
moment, il existe donc un réel problème dans l’application et l'interprétation
du texte. La non-limitation d’un âge minimum de mariage des mineurs dans les
cas exceptionnels, ainsi que les contraintes sociales et économiques, notamment
la pauvreté, sont autant de facteurs qui influent sur la décision des juges.
Salma Raiss –
AufaitMaroc
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