Résoudre le conflit du Sahara Occidental pour favoriser le
développement du Maghreb
« La persistance de ce conflit [du Sahara
occidental] est une entrave à une intégration des pays du Maghreb, qui est
aujourd'hui plus que jamais nécessaire pour faire face aux défis communs de
l'instabilité et de l'insécurité dans la région. […] [L’Algérie et le
Maroc] doivent redoubler d’efforts pour entretenir de meilleures relations
et ouvrir les frontières dans l’intérêt de la région et de la communauté
internationale dans son ensemble »1
Ban Ki-Moon, septembre 2013.
« Alors je connais aussi le blocage. Il y a la
question du Sahara Occidental qui attend son règlement depuis plus de 30 ans.
L’impasse actuelle est préjudiciable à tous, je dis bien à tous. Aux familles
séparées, aux réfugiés des camps, aux tensions entre les pays du Maghreb. Et
s’il y avait un argument de plus qu’il conviendrait d’ajouter, c’est que la
crise au Sahel rend encore plus urgente la nécessité de mettre fin à cette
situation »2.
François Hollande, 4 avril 2013, Intervention du
président de la république française devant le Parlement Marocain.
Introduction
Le 27 août 2014 marquera le 20ème anniversaire de la
fermeture de la frontière terrestre entre le Maroc et l’Algérie. Cette
fermeture symbolise notamment la non-intégration du Maghreb, une absence qui
freine considérablement le développement humain et économique de la région.
Présent depuis 40 ans dans les camps de réfugiés Sahraouis
dans le Sud-Ouest de l’Algérie, depuis 20 ans au Maroc et depuis 2012 en
Tunisie avec des programmes humanitaires, de droit des femmes, de justice
économique et de soutien aux sociétés civiles, Oxfam a pu constater que le
conflit et les rivalités latentes sur le Sahara occidental demeurent l’un des
principaux obstacles de la résolution des différends entre le Maroc et
l’Algérie, empêchant par là même la réalisation du potentiel économique du
Maghreb.
Compte tenu du statut de « partenaire privilégié » qu’elle
détient dans la région, la France, championne dans ses discours de la
protection des droits fondamentaux et le respect du droit international, se
doit d’offrir son soutien aux pays du Maghreb en vue de l’instauration d’un
climat favorable à la négociation et à l’apaisement des tensions, permettant
une intégration effective de la région, favorable à l’ensemble des populations
du Maghreb.
La
France, un partenaire privilégié du Maghreb
- Premier partenaire commercial de l’Algérie, du Maroc et de
la Tunisie.3
- Premier investisseur dans la région du Maghreb en matière
d’investissements directs étrangers (IDE).4
- Les pays du Maghreb sont parmi les principaux bénéficiaires
de l’aide publique au développement (APD) bilatérale française.5
- Première destination des étudiants maghrébins.6
Aperçu des défis
Le Maghreb inclut le Maroc, l’Algérie, la Lybie, la Tunisie,
la Mauritanie et le territoire du Sahara occidental, et recèle un immense
potentiel en matière d’intégration politique, de coopération économique et de
développement humain. Couvrant une superficie cumulée de 6 045 milliers de km²,
soit onze fois plus que la France métropolitaine, il comptait en 2013 plus de
93 millions d’habitants7, réalisait un Produit Intérieur Brut cumulé de plus de
441 milliards d’USD8 et disposait de réserves en devises équivalentes à plus de
348 milliards d’USD9.
Après avoir fait le constat de la faiblesse des échanges
intermaghrébins, spécialistes et analystes10 s’accordent sur l’idée que le fort
potentiel de développement de ces échanges est sous-exploité.
Le coût considérable d’une non-intégration du
Maghreb, estimé entre 2 et 3% du PIB des économies de la région .
Faiblesse des échanges inter-régionaux : A titre d’exemple,
alors qu’en 2012 les exportations à l’intérieur de la zone UE (62%), de l’ALENA
(49%) de l’ANASE (26%) et du MERCOSUR (15%) représentaient une part importante
du total des exportations de marchandises de ces régions, les exportations
entre les pays de l’Union du Maghreb Arabe (UMA qui regroupe le Maroc,
l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie) ne représentaient que 3,3% du
total des exportations de la zone12. Ce manque d’intégration est aggravé par
une faible coopération avec le reste du continent africain : seul 5,2% des
exportations de l’UMA avaient en 2012 pour destination un pays du continent
africain.
Potentiel commercial non-exploité : Selon un rapport de la
Commission Economique des Nations unies pour l’Afrique (UNECA) de 2013
analysant ces mêmes niveaux d’exportations, l’UMA ne réalise que 56% de son
potentiel de commerce interne14. L’utilisation de ce potentiel, dont le coût
était encore estimé en 2014 à entre 2% et 3% de PIB supplémentaire par an pour
chaque pays15, pourrait avoir des répercussions positives significatives sur le
développement de la région.
10 milliards de dollars par an de manque à gagner pour la
région : L’existence effective d’une union maghrébine aurait fait gagner aux
cinq pays une valeur ajoutée annuelle de l’ordre de 10 milliards de dollars par
an16. Certains analystes pointent également du doigt une fuite de capitaux de
la région équivalente à 8 milliards de dollars chaque année, qui
s’expliquerait, en partie selon eux par la non-intégration de la région qui la
rendrait moins attractive pour les investissements.
Une
course à l’armement, entre antagonisme et gouffre financier
Par ailleurs, le Maroc et l’Algérie
connaissent une augmentation constante de leurs dépenses de défense 200718. De 2007 à 2013, la part des dépenses
militaires dans le PIB a augmenté de 19% au Maroc (en passant de 3,2% en 2007 à
3,8% en 2013) et de plus de 65% en Algérie (de 2,9% en 2007 à 4,8% en 2013).
Ces chiffres représentent autant de ressources qui ne sont pas alloués à
d’autres budgets indispensables aux populations, tels que celui de la santé par
exemple.
Le rapport 2013 du Groupe de Recherche et d’Information sur
la Paix et la Sécurité (GRIP) constate une progression « sans précédent » des
dépenses militaires en Afrique du Nord, avec l’Algérie et le Maroc signalés
comme les « deux Etats les plus dépensiers de la région ».19. En 2012, puis en
2013, ces deux pays figurent dans le top 20 des pays qui ont le plus dépensé
(ratio dépenses/PIB) pour leur armement au monde20.
La situation de rivalité entre les deux pays et la course à
l’armement qui en résulte sont parmi les principales causes, avec la
recrudescence des menaces sécuritaires liées au contexte régional, la
persistance du conflit du Sahara Occidental et le renouvellement d’armements
devenus trop vieux, évoquées par les analystes pour expliquer cette croissance
exponentielle de leurs dépenses de défense.
Des défis sociaux
Les pertes aux
niveaux économique et commercial et l’utilisation des budgets sont d’autant
plus inquiétantes lorsqu’on les compare avec les défis sociaux. Malgré une
réduction de la pauvreté absolue au cours de la dernière décennie et l’optimisme
des chiffres officiels, la pauvreté au Maghreb demeure très importante. Le taux
de chômage dans les pays de la région demeure également élevé : au dernier
trimestre 2013, il s’élevait à 15,3% en Tunisie, 9,5% au Maroc et 9,8% en
Algérie. Les plus touchés sont les jeunes de 15 à 24 ans, dont le taux de
chômage en 2013 est de 19,6% au Maroc et 24,8% en Algérie, et les femmes avec
un taux de chômage de 21,9% en Tunisie, de 10% au Maroc et de 16,3% en Algérie.
Les deux pays sont classé respectivement 130e et 93e (sur
187) selon l’indice de santé du PNUD22. Plus frappantes encore sont les
inégalités d’accès à un personnel soignant qualifié à la naissance. Au Maroc,
de 2008 à 201223, seuls 29,5% des plus pauvres ont eu accès à un personnel
soignant qualifié à la naissance contre 95,4% chez les 20% les plus riches. Ces
disparités sont aussi visibles entre les populations urbaines et rurales. Parmi
les facteurs soulevés pour expliquer les manques de prise en charge, les
problèmes du coût des soins et de l’accessibilité se posent en Algérie24 comme
au Maroc25.
De faibles migrations et mobilité étudiante intra-Maghreb
Dans le même temps, le Maghreb dans son ensemble demeure un foyer d’émigration.
Les destinations principales des maghrébins restent l’Europe et les pays du
Moyen-Orient, la migration intra-maghrébine étant pour l’instant très
marginale. Sur une population migrante estimée à environ 6,5 millions de
personnes dans la région, moins de 350 000 migrants résident dans les pays du
Maghreb, soit un taux moyen de 5,4%26.
Une tendance similaire se confirme également au niveau des
échanges universitaires entre les pays de la région. Alors que ces mêmes
échanges entre la région et le reste du monde sont à la hausse, la mobilité
étudiante intra-Maghreb demeure très faible, voire quasi inexistante. Sur les
cinq pays de l’UMA27, on dénombre en 2014 un total de 97 993 personnes étudiant
à l’étranger. Sur ce total, 63 430 étudient en France – soit 65% du total –
alors que 1 741 étudient dans un des pays de la région, ce qui représente
seulement 1,78%28. 4
Recommandations
pour permettre au potentiel du Maghreb de se matérialiser :
Les raisons à
la base de la non-intégration maghrébine sont multiples et complexes. Parmi
celles-ci figure le conflit du Sahara occidental qui demeure gelé de facto. Le
coût économique et l’impact sur le développement de la non-intégration pour la
population du Maghreb est élevé.
1. OEuvrer en faveur de l’intégration du
Maghreb
La France, en
tant que partenaire privilégié du Maghreb, devrait déterminer, en concertation
avec les pays de la région et en particulier l’Algérie et le Maroc, le rôle
positif qu’elle pourrait jouer pour aider à l’apaisement des tensions en vue de
la réouverture de la frontière entre les deux pays.
La France devrait accorder davantage d’importance à la
question de l’intégration maghrébine dans son dialogue et ses relations
stratégiques avec les pays du Maghreb. Dans cette logique, la France devrait
lancer une étude sur son rôle potentiel de soutien à une intégration du Maghreb
qui soit favorable à l’ensemble des populations de la région, en particulier
les plus vulnérables, et qui prenne en compte la voix de ces derniers.
2. S’engager
pour la résolution du conflit du Sahara Occidental
La France devrait s’engager activement auprès de
toutes les parties prenantes au conflit en faveur d’une solution politique
juste et durable, mutuellement acceptable et respectant le droit à
l’autodétermination de la population sahraouie conformément au droit
international. Une solution qui aide à mettre fin aux souffrances des
populations touchées directement par le conflit. La France devrait envoyer des
missions parlementaires sur le terrain pour constater l’impact humanitaire et
social du conflit sur les populations affectées, et pour formuler des
recommandations définissant le rôle que la France devrait jouer afin
d’améliorer les conditions de vie de ces populations.
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